Handicap psychique et vie professionnelle

Publié le 16 octobre 2015

Julie Moreau partage son expérience sur le Handicap psychique et la vie professionnelle

Comment appréhender la question du handicap psychique en milieu professionnel ? Comment mieux comprendre les situations pour apporter des solutions ? Julie Moreau, ergonome au ministère de la Défense, est intervenue lors du Comité Tadeo, le 10 septembre 2015, devant une trentaine d’entreprises et administrations partenaires. Elle partage les bonnes pratiques mises en place par son institution. Retour d’expérience !

La question du handicap psychique est devenue ces dernières années une réalité que la Délégation Handicap du Ministère de la Défense a dû prendre à bras le corps. Dans un contexte de restructuration et de réorganisation des services, Julie Moreau et son équipe ont dû faire face à une double problématique:

  • Résoudre la question des agents ayant déclenché des maladies psychiques liées à ces réorganisations répétées.
  • Résoudre la situation des agents depuis longtemps en situation de handicap psychique tout en essayant de mettre fin au cycle des mutations en interne, inefficace et  inapproprié dans ce contexte de restructuration.

Aborder le sujet n’a pas été facile : « Il soulevait chez nous beaucoup d’interrogations et en même temps, nous n’avions pas forcément les compétences nécessaires pour le traiter. Face à la remontée de certaines situations qui déstabilisaient des équipes entières, la délégation handicap a cependant dû se pencher sur le sujet et  trouver des solutions », explique ainsi Julie Moreau.

Alors, quelles solutions mettre en place ? Julie Moreau livre ici quelques pistes et bonnes pratiques tirées de son expérience et de celles de ses équipes :

1. Bien définir le handicap psychique

Le handicap psychique ne se traite pas comme un simple dérèglement psychologique. Le handicap psychique est la conséquence de maladies mentales qui se manifestent par des troubles qui affectent la personnalité : schizophrénie, paranoïa, anxiété généralisée, dépression, troubles bipolaires, troubles obsessionnels ou phobiques, etc. Souvent confondu avec le handicap mental, il s’en distingue par le fait que les facultés intellectuelles ne sont pas déficientes même si parfois, elles peuvent être perturbées par les troubles psychiques. Les personnes qui en souffrent ont généralement un bon niveau de formation. Il se caractérise par des relations sociales particulièrement perturbées et une communication altérée qui affectent non seulement la personne malade mais aussi tout son entourage professionnel. La manifestation des troubles peut être durable ou épisodique avec des périodes de rémission. En France 350 000 personnes sont reconnues handicapées psychiques mais 600 000 personnes seraient concernées (soit 1% de la population). Accompagner une personne en situation de handicap psychique en milieu professionnel s’inscrit donc dans la durée. D’une part, cet accompagnement mobilise un réseau d’acteurs qualifiés et l’ensemble du collectif. De l’autre, il dépend aussi de l’implication de la personne qui souffre. Il demande donc d’agir à trois niveaux : sur les équipes pluridisciplinaires accompagnant les personnes handicapées, sur les équipes qui ont dans leur service une personne atteinte de handicap psychique et enfin sur la personne elle-même.

2. Accompagner les acteurs du maillage pluridisciplinaire

La délégation handicap organise des formations sur le handicap psychique à destination de ses correspondants handicap, de ses médecins de prévention, de ses assistantes sociales, de ses chargés de prévention. Ces formations consistent à identifier des cas cliniques pour ensuite adapter le comportement et la communication. Elles permettent de mieux appréhender les situations et d’adopter les bonnes attitudes relationnelles.

3. Accompagner les équipes et les managers

Accompagner les équipes de travail est nécessaire pour éviter leur propre souffrance psychique, liée à l’incompréhension de la manifestation des troubles et pour créer un espace d’écoute et de parole. Le ministère de la Défense

Le ministère de la Défense a mis en place une expérimentation : huit agents en situation de handicap psychique sont suivis tandis que leurs équipes de travail sont accompagnées. Cet accompagnement se construit en deux parties : d’abord un temps de parole pour exprimer les difficultés rencontrées, ensuite un temps de compréhension et de lecture de la situation afin de comprendre comment réagir.

4. Accompagner la personne atteinte de handicap psychique

La situation ne se règle pas en un seul entretien, elle demande un véritable accompagnement de la personne qui souffre.

Il existe différents « outils »  en fonction de la gravité du handicap : 

  • Repenser les organisations de travail :
    • définir une fonction précise avec des tâches à réaliser, les étapes à respecter ;
    • l’environnement du travail : identifier le type du bureau (isolé ou en collectif) ;
    • les rythmes de travail : adapter les horaires de travail, répartir les activités dans la semaine ;
    • les relations interpersonnelles : identifier qui donne les consignes, sous quelles formes sont transmises les informations, formaliser les attitudes attendues.
  • Prévoir un suivi médical et un mi-temps thérapeutique

Le suivi médical et personnel, en dehors de la vie professionnelle, est capital car il contribue à la stabilisation de la personne. Le médecin du travail peut poser une inaptitude temporaire. L’agent en situation de handicap psychique est alors dans l’obligation de s’arrêter et d’aller voir un médecin traitant et/ou un spécialiste afin de reconsidérer sa situation. Lorsqu’une personne est en grande souffrance psychique, la période de soin s’avère l’unique réponse pour stabiliser les troubles. Le retour à l’emploi s’effectue le plus souvent dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique. Cet aménagement du temps de travail peut constituer une période propice à la mise en place d’un accompagnement professionnel et favoriser ainsi une reprise à temps plein. Le soin est en effet le premier facteur de réinsertion professionnelle.

  • Prévoir un accompagnement psycho-professionnel : cet accompagnement est réalisé par une équipe médico-sociale externe au ministère qui évalue les compétences professionnelles et relationnelles de la personne pour essayer qu’elle se réapproprie ses capacités. Coaching personnalisé, entretiens individuels, ateliers sur la gestion de l’anxiété sociale, l’estime de soi …

5. Sensibiliser

Le ministère organise des colloques itinérants dans toute la France sur la question du handicap psychique et de la vie professionnelle. Ces colloques s’adressent aux managers, aux acteurs du maillage pluridisciplinaire (correspondants handicap, ses médecins de prévention, ses assistantes sociales, ses chargés de prévention) ainsi qu’aux agents qui le souhaitent.

Contact : Julie Moreau Ergonome Ministère de la Défense

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